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INTERVIEW - Les savoir-être d'un éducateur dans l'œil d'un photographe

INTERVIEW - Les savoir-être d'un éducateur dans l'œil d'un photographe

Bonjour Romain, pouvez-vous nous raconter comment vous êtes passé du métier d'éducateur à celui de photographe industriel et social?

J'ai mis 10 ans à passer du métier d'éducateur à celui de photographe. J'ai découvert la photographie à 25 ans en le pratiquant sur une petite période de vacances. C'était ma sœur qui m'avait prêté son appareil. Elle m'a demandé de lui rendre, ça a été un déchirement. J'ai attendu trois mois de cotiser pour me payer mon premier boîtier on était en 2002, j'ai immédiatement souhaité devenir professionnel de la photographie pour en faire mon métier. J'ai progressivement photographié les personnes auprès de qui j'étais travailleur social et notamment des adultes déficients intellectuels. A l'époque j'ai eu une commande pour réaliser une exposition dans les commerces d'Orléans à l'occasion d'une journée du handicap. Je les avais interrogé sur la façon dont ils avaient envie de se présenter aux yeux des autres : je veux que l'on me voit dans tenue de football , je veux montrer mon intérêt pour la politique m'a répondu une jeune femme...
Mon premier employeur a été l'UNAPEI qui m'a commandé un certain nombre de reportages dans les lieux d'accueil de personnes handicapées enfants et adultes.
Ma passion pour la photographie a pris le pas et j'ai quitté le foyer qui m'employait. Plusieurs contrats m'ont permis de rapidement obtenir le statut d'auteur.

Vous dites souvent que vos photos sont des « collabs », créées avec l'accord et l'engagement de vos modèles. Pouvez-vous nous expliquer comment vous établissez cette relation de confiance avec eux?

Le mot est volontairement fort, car je voulais clairement affirmer que je conçois ce travail de reporter métier comme une rencontre. Bien entendu, c'est moi qui compose, mais ces modèles se donnent à être photographiés et vus, et en ce sens c'est un partenariat. J'ai conscience que cela semble aller de soit, mais ça n'est pas le cas. Je vais faire très court mais je crois que les rapports de classes sont puissants, et je crois avoir éconduit ce mode relationnel. Mes expériences de travailleur social m'ont permis d'entrer en relation avec l'autre" dans le sens le plus général du terme, sans hiérarchie. Je n'ai pas de difficulté à m'adresser à une personne démunie, à une personne handicapée, à un bébé, à un directeur ou une directrice, d'égal à égal, sans soumission ni hauteur. Je pense que cela est facilement perceptible, et pour cette raison me font confiance. J'ai probablement oublié de dire que je vais à leur rencontre, que je me présente, explique pourquoi je suis là, les images que je vais tenter de faire, où elles seront utilisées et auprès de qui il ou elle pourra les voir et les récupérer le cas échéant.

La reconnaissance des salariés dans leur travail est cruciale pour leur bien-être. Comment vos photos contribuent-elles à cette reconnaissance au sein des entreprises?

En deux temps. Le moment de la prises de vue est le plus fort je pense. Mon implication, ma recherche d'angle, la façon de "rafaler" au moment d'une action qui me semble intéressante, avec le mot "vous pouvez me regarder s'il vous plait ?" (ou s'il te plait dans les lieux où le tutoiement est de base). Cette démarche de mise en lumière, d'attention, de volonté de faire la plus belle image mets fatalement en valeur mon sujet. Ce sont des stars ou des gens importants qui sont photographié de la sorte. Cette démarche de mise en valeur, presque toujours non verbale, c'est la reconnaissance de la valeur de la personne et de son travail.
L'image elle-même, diffusée est aussi un gage de valeur.
Pour les séries de portraits évoqués dans l'article, c'est un peu différent, je dois transmettre, toujours par le non-verbal ce que je veux : faire la plus belle image possible de la personne. Je n'ai pas de critère de beauté, j'apprécie de passer d'une personne à l'autre, toujours intéressé par l'unicité de mon interlocutrice ou interlocuteur. On regarde les photos ensemble et je donne mon avis sur l'image la plus intéressante, si c'est pas bien, je dis que c'est de ma faute et propose un nouvel angle. Encore une fois la reconnaissance est implicite : l'entreprise ne fait pas ces efforts pour rien.

Pour la Faïencerie de Gien, vous avez pris le temps de saluer chaque personne lors de votre première visite. Pouvez-vous nous parler de l'impact de ce geste sur votre travail et sur vos sujets?

C'est difficile à mesurer, et bien entendu, cela n'a pas porté sur chacun.e. De plus cela s'inscrivait dans une certaine durée, ce n'était pas un one shot. Je souhaitais être reconnu, qu'on me remette lorsque je reviendrai. Dès la seconde séance certain.es me reconnaissaient et entamaient la discussion. J'ai ainsi eu accès à des lieux inédits, voire interdits.
Cette poignée de main est plutôt symbolique : elle montre mon engagement à rencontrer les personnes. J'ai une anecdote : j'étais éducateur de jeunes enfants (et tout nouvellement passionné par la photo) aux orphelins d'Auteuil lorsqu'un photographe est venu pour chercher sa couv du magazine de l'association. En 5 minutes il a trouvé une fillette qui portait un escargot, il lui a demandé de le monter au niveau de son visage et de le regarder. Clic-clac il a fait 5 photos a dit merci et est parti. J'étais sidéré par son efficacité, mais j'ai toujours douté qu'il ai eu cette profondeur de regard que portaient ces enfants, il a fait une belle photo d'enfant j'en suis sur, mais je ne pense pas que sa photo parlait de l'enfance maltraitée.
Je ne vais pas mentir et dire que j'ai tout mon temps avec les sujets de mes photos sur centrale nucléaire ou site indus. Mais le temps de la rencontre, de ma présentation, de mes explications, il est toujours dans une disponibilité totale, je ne suis pas speed, ou déjà en train de regarder plus loin.

Vous avez récemment photographié 700 personnes en 5 jours pour Framatome. Comment gérez-vous la logistique et l'organisation de tels projets de grande envergure?

Je ne gère pas cette partie là, je fais mon retour d'expériences, mais c'est gérer en interne, par envoi de mails, affichage. Je déplace mon studio de bâtiment en bâtiment, avec une journée par bâtiment pour les les personnes ne perdent pas de temps. Il m'est également de déplacer mon fond et ma lumière de bureau en bureau pour facilite les choses.

Avec l'évolution des politiques RSE, comment voyez-vous le futur de la photographie sociale dans l'industrie française, et quels nouveaux projets aimeriez-vous développer?

Je crois qu'après montrer, il est intéressant de donner la parole, et j'aimerai interviewer des salariés de façon un peu intimiste, comme certains journalistes savent le faire avec des people.

Votre expérience avec les personnes en situation de handicap, ou d'autres publics fragilisés, influence-t-elle votre approche photographique dans l'industrie? Si oui, comment?

Je colle une partie de la réponse à une question précédente :
Je vais faire très court mais je crois que les rapports de classes sont puissants, et je crois avoir éconduit ce mode relationnel. Mes expériences de travailleur social m'ont permis d'entrer en relation avec "l'autre" dans le sens le plus général du terme, sans hiérarchie. Je n'ai pas de difficulté à m'adresser à une personne démunie, à une personne handicapée, à un bébé, à un directeur ou une directrice, d'égal à égal, sans soumission ni hauteur. Je pense que cela est facilement perceptible, et pour cette raison me font confiance. J'ai probablement oublié de dire que je vais à leur rencontre, que je me présente, explique pourquoi je suis là, les images que je vais tenter de faire, où elles seront utilisées et auprès de qui il ou elle pourra les voir et les récupérer le cas échéant.

Pour tout savoir : http://photographe-industriel-romain-beaumont.com/

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