Valérie, pourriez-vous nous parler de ce qui vous a poussé à vous spécialiser dans la gestion du stress en milieu professionnel ? Avez-vous vécu un moment décisif qui a orienté votre carrière ?
Après quelques méandres professionnels, j'ai dans des milieux extrêmement stressants, notamment en salle de marché, en contact direct avec des traders. Cet environnement, bien que stimulant, était aussi marqué par une pression constante, un rythme soutenu en permanence, des pics de stress pour les traders extrêmement élevés et bien sûr un niveau d'exigence qui éclipsait souvent le facteur humain. J'ai vu des femmes et des hommes s'épuiser, des talents s'effondrer sous le poids du stress.
Un jour un trader que je connaissais bien, très brillant, a littéralement craqué sous la pression. Ce fut pour moi une prise de conscience : dans ce monde professionnel, chacun était formé à performer, mais parfois (souvent) au détriment de sa santé. Les risques psychosociaux n'étaient alors pas encore un sujet dont on parlait, la santé mentale pas une grande cause nationale !
J'ai alors décidé de me consacrer à cette problématique et de me former à des approches complémentaires comme la sophrologie, la PNL et les neurosciences. Mon but étant d'apporter aux entreprises des solutions concrètes pour allier performance, santé mentale et bien-être.
Comment décrivez-vous concrètement l'impact du stress sur la performance en entreprise et comment cela influence-t-il les résultats d'une organisation selon votre expérience ?
Le stress chronique est un véritable poison pour la performance.
Les résultats d'une entreprise dépendent avant toute chose des femmes et des hommes qui font son activité... et son succès. Je commencerai donc par vous parler du volet humain.
Sur ce plan, le stress entraîne fatigue cognitive, perte de motivation, augmentation des troubles anxieux et baisse de la capacité d'innovation. Les employés sous stress prolongé voient leur fortement efficacité diminuer et leur engagement chuter drastiquement.
Sur le plan purement économique, il se traduit en premier lieu par une augmentation de l'absentéisme de courte durée et du turnover. Selon une étude de l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail, les entreprises perdent jusqu'à 20 milliards d’euros par an en Europe à cause du stress lié au travail.
D'autre part, un employé stressé prend plus de décisions irrationnelles qu’un employé en pleine maîtrise de ses capacités cognitives, il aura tendance à être plus irascible et moins patient. Tout ces éléments vont avoir un impact direct sur la performance collective et la qualité du travail.
En tant qu'experte, quels sont les signes révélateurs du stress qui, selon vous, sont souvent ignorés par les entreprises mais qui ont un impact majeur sur la performance des employés ?
Les premiers signes sont souvent invisibles, progressifs mais sont des signaux qui devraient alerter : augmentation des conflits internes, baisse de la créativité, manque d'initiative, démotivation progressive et montée d’un climat de méfiance. Des signaux comme une irritabilité accrue, une fatigue chronique non expliquée, une difficulté à prendre des décisions ou encore une baisse d’engagement sont souvent minimisés.
Trop souvent, les entreprises n'interviennent que lorsqu'un membre des équipes est absent pour une cause grave comme une dépression ou un burn-out, alors que les signaux avant-coureurs étaient présents bien plus tôt, notamment à travers des indicateurs comme une augmentation des congés maladie, un taux de turnover en hausse ou une diminution de la qualité du travail fourni.
Une surveillance proactive de ces indicateurs et surtout une culture de l'écoute pourraient permettre de détecter ces signaux et d'agir en amont pour prévenir les risques psychosociaux.
Pouvez-vous partager un exemple concret d'une entreprise que vous avez aidé à gérer le stress et comment cela a amélioré sa performance ? Quels étaient les principaux défis et comment les avez-vous surmontés ?
J'ai accompagné une entreprise du secteur tech où l'absentéisme était en hausse et le turnover des cadres était passé de 8 % à 15 % en un an. Pour remédier à cette situation, nous avons d'abord mis en place un baromètre de la satisfaction des salariés afin d'identifier précisément les sources de stress et les leviers d'amélioration. Ensuite, nous avons développé un programme de gestion du stress sur-mesure, permettant à chaque employé d'accéder à des outils adaptés à ses besoins spécifiques, que ce soit par la sophrologie, la pleine conscience, la gestion du temps ou les neurosciences appliquées par exemple. Grâce à cette approche, nous avons réduit l'absentéisme de 27 % en six mois, augmenté la satisfaction des salariés de 40 %, et constaté une amélioration de la productivité de 15 %.
Selon vous, quelles pratiques ou stratégies innovantes peuvent être mises en place par les organisations pour mieux apprivoiser le stress de leurs employés et ainsi booster la performance générale ?
Les organisations doivent adopter une approche globale pour apprivoiser le stress de leurs employés et favoriser une performance durable. Parmi les stratégies les plus efficaces, on retrouve la mise en place de programmes de gestion du stress intégrés au sein de la politique de Qualité de Vie au Travail (QVT ou QVCT). Cela passe par des actions concrètes comme la formation des managers à la détection et à la prévention du stress, la création d’espaces de dialogue et de soutien, ainsi que des dispositifs de gestion de la charge mentale.
Il est également essentiel de favoriser des moments collectifs pour renforcer la cohésion d’équipe et lutter contre l’isolement, notamment à travers des ateliers bien-être, des séminaires sur la gestion du stress ou des activités de team-building axées sur la coopération et l’écoute. Une véritable culture de l’écoute et du respect des employés doit être mise en place, en intégrant des outils de feedback réguliers tels que des baromètres de satisfaction et des entretiens individuels permettant d’identifier les sources de stress et d’y répondre de manière proactive.. Cette solution permet aux employés d’accéder à des modules personnalisés en fonction de leur niveau de stress et de leurs besoins spécifiques.
L'idée est de rendre la formation personnalisée, accessible à tout moment et d’intégrer des outils variés et adaptables à chacun. Cette approche permet aux entreprises de proposer des solutions individualisées tout en optimisant les performances globales et la qualité de vie au travail.
Vous travaillez sous le nom d'Apprivoiser son Stress®. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre approche unique et comment elle se distingue dans l'aide aux entreprises à gérer le stress ?
La méthodologie repose sur une alliance entre sciences cognitives et pratiques psycho-corporelles, intégrant des interventions en présentiel et en distanciel, ainsi que des programmes de formation de type e-learning comme le concept du "Netflix de la gestion du stress".
Cette approche et ce concept "à la demande" permet aux petites entreprises de mettre à la disposition de leurs équipes des programmes qualitatifs et accessibles, tant en terme de budget qu'en matière organisationnelle.
En entreprise, nous mettons en place des sessions en groupe et des accompagnements individuels pour répondre aux besoins spécifiques des collaborateurs. Des "modules d'ouverture" pour proposer des activités dans le cadre de la politique QVT des entreprises.
À distance, nous proposons des webinaires interactifs et des modules en ligne permettant un apprentissage autonome et personnalisé. Cette approche hybride permet de s’adapter aux contraintes des entreprises tout en garantissant un impact durable sur la gestion du stress des employés.
Comment pensez-vous que la reconnaissance de l'impact du stress sur la performance en entreprise évoluera dans les années à venir, surtout avec les changements récents dans le monde du travail, comme le télétravail ?
Le télétravail est une formidable opportunité, permettant une plus grande flexibilité et un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Tout du moins en théorie. Cependant, il accroît également les risques de surcharge mentale, d’isolement et d’hyperconnexion, ce qui peut nuire à la performance des employés à long terme. Inspirons-nous des modèles nordiques où le droit à la déconnexion est un pilier fondamental et où des cadres de travail clairs sont définis pour préserver la santé mentale des salariés.
Dans les années à venir, la reconnaissance de l’impact du stress en entreprise va s’intensifier, notamment avec l’essor du travail hybride. De nombreuses organisations commenceront à intégrer des dispositifs de prévention et de suivi du stress au même titre que d’autres indicateurs de performance. On observe déjà l’émergence de nouvelles réglementations en Europe qui imposent aux entreprises de mettre en place des politiques de bien-être au travail.
L'intelligence artificielle, là comme ailleurs, peut être une chance. Peut-être pourrons nous bénéficier d'outils d’analyse basés sur l’intelligence artificielle qui permettront d’identifier en temps réel les signaux de stress et d’adapter les conditions de travail en conséquence. La question du bien-être ne sera plus perçue comme un simple avantage, mais comme un facteur clé de compétitivité et de durabilité des entreprises.
J'en suis convaincue... La gestion du stress est un levier de performance pour les entreprises et la base d'une meilleure santé mentale au travail.
Pour plus d'informations : https://apprivoisersonstress.fr
